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LA FRANCE CRUE

LA FRANCE CRUE

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Damien Artero : "Ne plus subir la nourriture, une révélation !"

Damien Artero : "Ne plus subir la nourriture, une révélation !"

Passé de la programmation informatique au film d'aventure, après un tour du monde en amoureux à tandem de deux ans et demi, Damien Artero a vécu une deuxième révolution en passant à l'alimentation vivante. Son film sur sa propre transition alimentaire, accompagnée par la papesse de la naturopathie Irène Grosjean, a inspiré des milliers d'internautes et continue à porter le message de l'alimentation vivante : une solution durable aux problèmes des individus comme à ceux de l'environnement. Interview fleuve à lire absolument !
Damien Artero : "Ne plus subir la nourriture, une révélation !"
Comment as-tu rencontré la naturopathe Irène Grosjean ?

C'était fin 2010. A l'époque, l'un de mes colocs était le fils d'un ami d'enfance d'Irène Grosjean. Cela faisait longtemps que j'étais en recherche de changement alimentaire. J'ai expérimenté plein de trucs. J'ai même eu des périodes où je prenais mon petit-dèj le soir... Je sentais en tout cas que la nourriture conventionnelle ne m'allait pas, que ça n'était pas efficace. Dans ma pratique du sport et pendant mes voyages, cela générait beaucoup de malaise. Je subissais ma nourriture. J'étais un habitué des repas pantagruéliques, parce que j'avais faim tout le temps, et ensuite je me sentais mal. Pendant notre traversée du Tibet, des Australiens m'avait surnommé « The bottomless pet » ... Ils hallucinaient de voir la quantité de bouffe que j'engouffrais en pesant 62 kg tout mouillé. Pour en revenir à mon coloc, il m'avait fait une recette d'Irène au petit-déjeuner : une purée noix de cajou – dattes. Tout de suite, je me suis dit qu'il y avait un truc à creuser. Le soir même, j'ai téléphoné à Irène. Je pensais que c'était un personnage intéressant et j'avais envie d'en savoir plus sur comment elle vivait, comment elle mangeait. Je lui ai dit : « J'ai envie de venir chez toi pour faire un film sur toi. » Elle m'a répondu aussi cash que ma question : « Tu peux venir quand tu veux, on fait un film . » Je débarquais chez elle trois semaines après.

Tu savais à l'époque ce qu'était l'alimentation vivante ?

Non pas du tout car mon coloc n'était pas végétalien crudivore. Il avait mangé ça par curiosité chez Irène mais ça n'était pas sa démarche. Donc je n'avais aucune info. Il m'avait juste dit : « Elle est bizarre... Elle mange que si, qua ça. » Rien de précis mais assez pour titiller ma curiosité.

Ta première visite chez Irène ?

Nous avons passé le weekend chez elle, avec mon coloc, mon amoureuse, et on n'a mangé que sa crusine. Je me suis senti en adéquation complète avec ce qui se passait. Mon corps me disait : « C'est comme ça que ça marche ». Depuis, je n'ai jamais fait machine arrière. Je sentais que je donnais le bon carburant à mon organisme mais il y a aussi des phases de détox. Donc au début, c'est très tangible mais ça n'est pas qu'agréable. Par contre, j'ai eu tout de suite la sensation de ne pas subir les repas, d'en sortir léger, dispo. Par rapport au sport, c'était génial. Avant c'était pâtes, viande, pain, saucisson et tu te retrouves plombé pendant trois heures. Et là, le fait de pouvoir manger et repartir direct, remonter sur le vélo, passer un col, courir... C'était vraiment l’élément probant. Ça a été une révélation.

Tu peux nous résumer ta transition alimentaire ?

Je venais d'une alimentation française classique. J'ai très vite supprimé les produits d'origine animale. Quand j'étais gamin, je ne supportais pas la viande et je me suis remis à en manger étant adulte. Donc après avoir rencontré Irène, je suis revenu à mon végétarisme naturel. Dans un deuxième temps, j'ai viré les produits laitiers, même si ça a été à géométrie variable pendant très longtemps. Mais plus que la suppression d'aliments néfastes ou les non-aliments, les étapes intéressantes, c'est surtout apprendre à remplacer petit à petit, à explorer.

Souvent les gens pensent que quand tu es végétalien, tu manges toujours la même chose. C'est fou, c'est criant d'injustice ! En fait, quand t'es végétalien crudivore, tu manges tellement plus varié qu'avant. Dans l'alimentation conventionnelle, tout est fondé sur des farines cuites, essentiellement du blé, et de la viande. Quand tu passes à l'alimentation vivante, tu redécouvres plein de fruits, plein de légumes, tu fais des associations auxquelles tu n'aurais pas pensé avant, tu découvres les algues... Il y a mille choses. Et la santé, c'est chouette mais c'est important de mettre aussi en place une crusine « plaisir ».

La détox, c'était comment ?

Moi j'avais consommé beaucoup, beaucoup, beaucoup de produits laitiers. Jusqu'au début de l'âge adulte, je buvais un litre et demi de lait de vache par jour et je mangeais du fromage à tous les repas. Pendant les phases de détox, le corps se débarrasse de l'acide donc je ne te fais pas de dessin... Purge à l'huile de ricin et trois heures sur les toilettes à te vider d'acide. J'ai eu aussi des phases qu'on peut appeler « de rejet ». En fait, quand tu reprends en main ta santé, ton corps en profite. Donc encore aujourd'hui, à l'intersaison ou à la fin de l'hiver, j'ai des périodes où je tousse et je crache des glaires pendant 10 jours. Ensuite, à chaque fois, je suis un peu plus en forme qu'avant.

J'ai été en tournage cet hiver et je me suis parfois retrouvé un peu coincé autour d'une fondue... En général j'esquive mais parfois j'ai envie de me lâcher. Après, tu paies forcément la facture et dans ces cas-là, quand je rentre chez moi, c'est lavement, jus de fruits. D'un coup, tu sens que ton corps reprend le dessus.

Tes conseils pour une transition alimentaire réussie ?

La clé de la réussite, c'est garder confiance en soi et en la vie et de ne pas se laisser envahir par les peurs des collègues, des parents qui te disent que tu vas être carencé ou que tu vas tomber malade. Il faut faire l'expérience pour soi, et la faire en connexion avec son corps. Si t'es pas capable d'écouter ce que ton corps te dit, ce dont tu as besoin ou non, la transition va être laborieuse je pense. Mais si tu arrives à te centrer sur tes sensations, tu vas vite te rendre compte que tu peux courir avec trois fruits secs et que tu te sens bien. Tu auras la preuve par l'expérimentation. Il ne faut pas se mettre Martel en tête et te dire : « Dans trois jours, j'y suis ! » Il faut se laisser le temps de reprogrammer une façon de manger et aussi une façon de vivre. Moi, je mets plus les pieds dans un supermarché, j'achète local, bio le plus souvent. C'est tout un mode de vie qui change.

La recette de pesto d'Ail des Ours de Damien ici !
Damien Artero : "Ne plus subir la nourriture, une révélation !"
Damien Artero : "Ne plus subir la nourriture, une révélation !"Damien Artero : "Ne plus subir la nourriture, une révélation !"
Qu'est-ce qui a vraiment changé pour toi depuis cinq ans ?

Ma sensation de satiété a été transformée. Je suis passé de l'obsession du repas, à penser toute la journée à ce que j'allais mangé, à des jours où je m'aperçois à 17h que j'ai oublié de manger. Entre temps j'ai couru 2h, j'ai fait trois trajets à vélo, 4h de montage et tout à coup : « Woua, t'as pas pensé à manger. » J'ai aussi gagné en lucidité. Mon esprit est plus ouvert, plus efficace, plus posé. Au niveau de ma santé, tous les printemps je prenais des antihistaminiques et des doses chevalines de cortisone, jusqu'à deux fois la dose adulte en intramusculaire ! Sinon mes crises d'allergies étaient si fortes que je pouvais rester enfermer chez moi des jours durant dans un état catatonique, avec des vertiges, des troubles de la vue, des fringales impossibles, des éternuements... C'était très rageant parce que ça ne se voyait pas trop de l'extérieur donc les gens ne comprenaient pas à quel point je me sentais mal. D'après les naturopathes, ces allergies sont certes déclenchées par le pollen mais causées par la présence de résidus de digestion des produits laitiers. Tant que j'avais à faire à la médecine conventionnelle, tout ce qu'on me proposait, c'était les antihistaminiques et la désensibilisation qui a échoué deux fois. La paradoxe était que le seul truc qui fonctionnait était la cortisone puisque ça stoppe quasi instantanément les signaux d'alarmes du corps, mais les médecins ne voulait pas m'en donner parce qu'ils sont conscients que c'est une pure saloperie. Aujourd'hui, je suis loin d'être tiré d'affaire mais je ne prends plus de cortisone et je garde un paquet d'antihistaminique en back up. Ça s'améliore de saison en saison.

En tant que sportif, qu'est-ce que tu retires de tes expérimentations ?

J'ai toujours envie de voir jusqu'où on peut aller avec l'alimentation vivante dans le cadre du sport. A mon petit niveau, j'ai fait des tests sur des trails de montagne longue distance ou des périodes de voyage en autonomie. Jusqu'à présent, j'ai vraiment la sensation que ça fonctionne beaucoup mieux que tout ce qu'on prône dans les milieux sportifs. Quand je raconte que je cours 66 kms en montagne en bouffant 12 dattes, mes copains ou des gens sur Internet me disent : « C'est pas vrai, c'est pas possible, c'est hyper dangereux » ou « Le végétalisme, ça va bien quand on glande rien mais les vrais sportifs ont besoin de pâtes et de viande. » Il y a de l'incrédulité mais de l'intérêt en même temps parce qu'en attendant, je le fais ! L'été dernier, au milieu d'une semaine à manger des avocats et de la mâche, j'ai couru le trail de Samoëns puis j'ai enchaîné avec un tournage de 5-6 jours où je n'ai fait que courir en montagne et filmer. J'ai dû courir 150 kms sur 10 000 m de dénivelé et ma nourriture c'était des dattes, des figues et de la salade. Physiquement, les moments les plus durs de la semaine, ça a été d'être invité dans des refuges et de manger trois cuillères de gratin de crozets aux lardons...

Comment ça se passe avec tes deux filles ?

Lirio a 5 ans et demi et Luce 2 ans et demi. Ça se passe comme avec nous, il ne faut pas se voiler la face. Si adulte, on a nos envies contradictoires, nos boulimies, nos obsessions, la moindre des choses pour moi en tant que papa est de reconnaître les faiblesses de mon comportement et d'être tolérant dans une mesure égale avec mes enfants. Je dialogue tout le temps avec les filles pour leur expliquer ce qu'on mange, d'où ça vient, pourquoi on le mange... Mais je ne veux pas tomber dans la coercition et les voir se rebeller ensuite dès qu'elles prendront leur autonomie. Donc l'idée est de communiquer, de leur expliquer sans leur prendre la tête, de trouver des compromis, d'établir des règles qui les rassurent. C'est beaucoup d'énergie mais c'est aussi la satisfaction de donner à tes enfants une alimentation qui tient la route, pour leur santé et pour leur avenir. Non seulement d'un point de vue santé, ce serait une aberration de leur filer des produits laitiers et de la viande, mais la question c'est aussi : « Quel monde je lègue à mes enfants si je leur donne à manger ce qui détruit leur environnement futur ? » Ça n'est cohérent ni pour moi, ni pour l'espèce.

Justement comment tu concilies tes préoccupations écologiques avec une alimentation qui peut inclure pas mal de produits exotiques ?

C'est un débat sans cesse renouvelé. Ça m'a posé beaucoup question au début. La première chose qui m'a donné bonne conscience ça a été de me documenter intensivement sur l'industrie agro-alimentaire et de me rendre compte que tous les transports réunis ne polluaient pas au dixième de ce que pollue l'industrie de la viande. Finalement, ça fait des années que je ne consomme plus de produits animaux donc si je consomme des mangues, des noix de cajou, mon impact environnemental est bien moindre et reste durable dans le sens où je fais travailler des filières équitables, qui soutiennent la reforestation. Donc je contribue à une économie de l'alimentation qui est compatible avec l'espace naturel, plutôt que d'effacer de la surface du globe des milliers d'hectares pour de la mono-culture destinée à nourrir les animaux. Je ne prétends pas du tout avoir atteint la perfection, je suis toujours en train de m'améliorer, j'affine au fur et à mesure. L'important est d'être dans la bonne direction.

On conclue ?

L'alimentation vivante, c'est la santé pour l'individu et c'est durable pour l'espèce. Il y a peu d'argument contre ça. On peut débattre sans cesse de l'origine de l'homme, de sa nature herbivore... C'est très intéressant intellectuellement mais ça nous mène où ? Concrètement, en 2015, on est face à un problème urgent de gestion des ressources. L'alimentation est le premier poste de gestion de la santé et de l'environnement. Nous sommes 7 milliards à bouffer et à boire : tout passe par là ! Donc je ne veux pas qu'en plus de ces 7 milliards de bouches à nourrir, il y ait 70 milliards d'animaux d'élevage qu'il faut nourrir pour finalement les manger. Ça ne tient pas la route ! L'alimentation vivante répond à cet ensemble de problématiques.

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